Lorsque la Safer exerce son droit de pr\u00e9emption, et donc qu\u2019elle acquiert le bien agricole mis en vente en lieu et place de l\u2019acqu\u00e9reur initialement pressenti, elle doit justifier sa d\u00e9cision en faisant explicitement r\u00e9f\u00e9rence et de fa\u00e7on motiv\u00e9e \u00e0 l\u2019un ou \u00e0 plusieurs des objectifs d\u00e9finis par la loi (installation ou maintien d\u2019agriculteurs, consolidation d\u2019une exploitation afin de lui permettre d\u2019atteindre une dimension \u00e9conomique viable, sauvegarde du caract\u00e8re familial d\u2019une exploitation, lutte contre la sp\u00e9culation fonci\u00e8re, etc.). Et attention, si tel n\u2019est pas le cas, la d\u00e9cision de pr\u00e9emption encourt la nullit\u00e9.<\/p>\n
Illustration avec l\u2019affaire r\u00e9cente suivante. La vente d\u2019une parcelle enclav\u00e9e, situ\u00e9e en bordure de mer, avait \u00e9t\u00e9 pr\u00e9vue au profit d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 ostr\u00e9icole qui exploitait des parcelles contig\u00fces \u00e0 celle-ci. Inform\u00e9e du projet, la Safer avait manifest\u00e9 son intention d\u2019exercer son droit de pr\u00e9emption sur cette parcelle. \u00c0 l\u2019appui de sa d\u00e9cision, elle avait fait valoir que plusieurs autres exploitants pouvaient \u00eatre int\u00e9ress\u00e9s par cette parcelle et que le r\u00e9trocessionnaire potentiellement pressenti \u00e9tait sp\u00e9cialis\u00e9 dans la production ostr\u00e9icole.<\/p>\n
Invoquant une motivation qui ne tenait pas la route, l\u2019acqu\u00e9reur \u00e9vinc\u00e9 avait alors demand\u00e9 en justice l\u2019annulation de la d\u00e9cision de pr\u00e9emption. Et les juges lui ont donn\u00e9 gain de cause. En effet, ils ont estim\u00e9 que la mention par la Safer, dans sa d\u00e9cision de pr\u00e9emption, de l\u2019existence de plusieurs autres r\u00e9trocessionnaires potentiels \u00e9tait illusoire dans la mesure o\u00f9, compte tenu de la configuration des lieux, seuls deux exploitants pouvaient \u00eatre int\u00e9ress\u00e9s par l\u2019acquisition de cette parcelle enclav\u00e9e, \u00e0 savoir l\u2019acqu\u00e9reur \u00e9vinc\u00e9 et son seul concurrent local en la personne du r\u00e9trocessionnaire potentiellement pressenti. D\u2019autre part, les juges ont constat\u00e9 que la Safer avait faussement retenu, dans sa motivation, que ce r\u00e9trocessionnaire potentiel \u00e9tait sp\u00e9cialis\u00e9 dans la production ostr\u00e9icole alors qu\u2019il ne disposait pas sur place de parc d\u2019\u00e9levage.<\/p>\n
Les juges en ont d\u00e9duit que la motivation d\u00e9velopp\u00e9e par la Safer n\u2019\u00e9tait pas r\u00e9elle et ne visait qu\u2019\u00e0 dissimuler la perspective de privil\u00e9gier un exploitant au d\u00e9triment d\u2019un autre. La d\u00e9cision de pr\u00e9emption a donc \u00e9t\u00e9 annul\u00e9e.<\/p>\n