Le Conseil d\u2019analyse \u00e9conomique (CAE) vient de publier une note sur l\u2019h\u00e9ritage en France. Une note qui montre que la part de la fortune h\u00e9rit\u00e9e dans le patrimoine total repr\u00e9sente d\u00e9sormais 60\u00a0%, contre 35\u00a0% au d\u00e9but des ann\u00e9es 1970. Ce retour de l\u2019h\u00e9ritage, extr\u00eamement concentr\u00e9, nourrit une dynamique de renforcement des in\u00e9galit\u00e9s patrimoniales fond\u00e9es sur la naissance et dont l\u2019ampleur est beaucoup plus \u00e9lev\u00e9e que les in\u00e9galit\u00e9s observ\u00e9es pour les revenus du travail. Afin de tenter de r\u00e9duire ces in\u00e9galit\u00e9s patrimoniales, les auteurs de la note ont ainsi formul\u00e9 plusieurs recommandations.<\/p>\n
D\u2019abord, le Conseil d\u2019analyse \u00e9conomique d\u00e9plore le fait qu\u2019il n\u2019existe aujourd\u2019hui aucune donn\u00e9e fiable de la part de l\u2019administration fiscale. Jusqu\u2019en 2006, l\u2019administration r\u00e9alisait des enqu\u00eates r\u00e9guli\u00e8res afin de suivre l\u2019\u00e9volution de la distribution (et de la taxation) des successions et des donations. Ce manque de donn\u00e9es a des cons\u00e9quences n\u00e9gatives et ne permet pas notamment de piloter correctement une politique fiscale sur la th\u00e9matique de la transmission. Face \u00e0 la complexit\u00e9 et \u00e0 la multiplicit\u00e9 des dispositifs, la faible qualit\u00e9 de l\u2019information fiscale serait \u00e9galement de nature \u00e0 favoriser les abus. Le CAE appelle les pouvoirs publics \u00e0 construire un v\u00e9ritable syst\u00e8me d\u2019information \u00e0 la DGFiP sur la base des d\u00e9clarations des notaires et des assureurs (sur le mod\u00e8le de FICOVIE) et de constituer un registre de donn\u00e9es anonymis\u00e9es vers\u00e9es au Centre d\u2019acc\u00e8s s\u00e9curis\u00e9 aux donn\u00e9es (CASD), de fa\u00e7on \u00e0 am\u00e9liorer la qualit\u00e9 de la statistique publique et permettre le d\u00e9veloppement de recherches ind\u00e9pendantes sur ces donn\u00e9es fiscales.<\/p>\n
Les in\u00e9galit\u00e9s de patrimoine total h\u00e9rit\u00e9 tout au long de la vie sont fortes. Il a \u00e9t\u00e9 observ\u00e9 que les plus riches h\u00e9ritiers b\u00e9n\u00e9ficient de multiples transmissions patrimoniales au cours de leur vie. Et comme chaque transmission est tax\u00e9e s\u00e9par\u00e9ment, il est possible, par le jeu des diff\u00e9rents dispositifs fiscaux, d\u2019optimiser ces transmissions. Bien que des mesures aient \u00e9t\u00e9 prises par le pass\u00e9 pour tenter d\u2019att\u00e9nuer ce ph\u00e9nom\u00e8ne (r\u00e9duction du d\u00e9lai de rappel fiscal et des abattements, progressivit\u00e9 des taux d\u2019imposition\u2026), ce sont finalement les plus petites transmissions qui ont \u00e9t\u00e9 p\u00e9nalis\u00e9es.<\/p>\n
Partant de ce constat, le Conseil d\u2019analyse \u00e9conomique invite \u00e0 la mise en place d\u2019une assiette des droits fond\u00e9e sur la somme des flux successoraux totaux per\u00e7us par un m\u00eame individu tout au long de sa vie. Dans ce syst\u00e8me, le taux d\u2019imposition d\u00e9pendrait uniquement de la valeur des h\u00e9ritages re\u00e7us, quelle que soit la fa\u00e7on dont le patrimoine a \u00e9t\u00e9 transmis. Le Conseil donne un exemple concret\u00a0: un h\u00e9ritier ayant b\u00e9n\u00e9fici\u00e9 de trois donations de 100\u00a0000 euros au cours de sa vie, et d\u2019un h\u00e9ritage de 200\u00a0000 euros de la part de chacun de ses deux parents, paye le m\u00eame imp\u00f4t que celui qui h\u00e9rite de 700\u00a0000 euros d\u2019un de ses parents uniquement. L\u2019imp\u00f4t sur l\u2019h\u00e9ritage au cours de la vie offrirait donc la possibilit\u00e9 d\u2019une redistribution des opportunit\u00e9s davantage cibl\u00e9e et efficace.<\/p>\n
Toujours dans ce souci d\u2019\u00e9quilibre et d\u2019\u00e9quit\u00e9, le Conseil d\u2019analyse \u00e9conomique recommande de refondre l\u2019assiette des droits de succession pour pouvoir in fine \u00e9liminer ou r\u00e9former certains dispositifs fiscaux. Sont vis\u00e9s principalement l\u2019assurance-vie, le d\u00e9membrement de propri\u00e9t\u00e9, le Pacte Dutreil et l\u2019effacement des plus-values au moment du d\u00e9c\u00e8s. Cette refonte serait \u00e9galement l\u2019occasion de mettre en place des taux nominaux du bar\u00e8me plus bas mais r\u00e9ellement progressifs. Avec ces r\u00e9formes, il serait possible de r\u00e9duire les droits de succession pour 99\u00a0% de la population, tout en g\u00e9n\u00e9rant un surplus de recettes substantiel de 12 milliards d\u2019euros.<\/p>\n
Enfin, autre recommandation, garantir un capital pour tous. Ce dernier serait vers\u00e9 \u00e0 la majorit\u00e9 afin de limiter les in\u00e9galit\u00e9s les plus extr\u00eames. Un versement op\u00e9r\u00e9 \u00e0 18 ou \u00e0 25 ans et qui pourrait repr\u00e9senter de 10\u00a0000 \u00e0 40\u00a0000\u00a0\u20ac. Ce capital permettrait, en partie, de lever les contraintes de cr\u00e9dit\/liquidit\u00e9 qui affectent n\u00e9gativement l\u2019acc\u00e8s \u00e0 l\u2019\u00e9ducation, \u00e0 l\u2019investissement, au logement dans le bas de la distribution des h\u00e9ritages.<\/p>\n