Lorsque les associ\u00e9s majoritaires d\u2019une soci\u00e9t\u00e9 prennent une d\u00e9cision contraire \u00e0 l\u2019int\u00e9r\u00eat de celle-ci et dans l\u2019unique but de les favoriser au d\u00e9triment des associ\u00e9s minoritaires, cette d\u00e9cision constitue un abus de majorit\u00e9.<\/p>\n
C\u2019est ce que les juges ont d\u00e9cid\u00e9 dans une affaire r\u00e9cente concernant une soci\u00e9t\u00e9 civile professionnelle (SCP) compos\u00e9e de quatre chirurgiens-dentistes. Depuis sa cr\u00e9ation, les statuts de cette soci\u00e9t\u00e9 pr\u00e9voyaient une r\u00e9partition \u00e9galitaire des b\u00e9n\u00e9fices entre les praticiens. Mais, un beau jour, trois des quatre associ\u00e9s avaient d\u00e9cid\u00e9, par une d\u00e9lib\u00e9ration vot\u00e9e en assembl\u00e9e g\u00e9n\u00e9rale, de changer la r\u00e8gle et de pr\u00e9voir une r\u00e9partition en fonction de la part de b\u00e9n\u00e9fices r\u00e9alis\u00e9e par chacun dans l\u2019ann\u00e9e. Cette d\u00e9cision ayant pour cons\u00e9quence de diminuer fortement sa r\u00e9mun\u00e9ration, le quatri\u00e8me associ\u00e9, invoquant un abus de majorit\u00e9, avait demand\u00e9 son annulation en justice.<\/p>\n
Les juges lui ont donn\u00e9 gain de cause. En effet, ils ont relev\u00e9, d\u2019une part, que la r\u00e9partition des b\u00e9n\u00e9fices \u00e0 parts \u00e9gales entre les associ\u00e9s constituait un \u00e9l\u00e9ment d\u00e9terminant du contrat de soci\u00e9t\u00e9 depuis la cr\u00e9ation de celle-ci et qu\u2019elle tendait \u00e0 favoriser, non pas le chiffre d\u2019affaires r\u00e9alis\u00e9 par chacun, mais leur investissement en temps dans la soci\u00e9t\u00e9, consid\u00e9r\u00e9 comme \u00e9gal. D\u2019autre part, que la d\u00e9cision modifiant la r\u00e8gle de r\u00e9partition des b\u00e9n\u00e9fices avait \u00e9t\u00e9 concomitante \u00e0 la marginalisation croissante de l\u2019associ\u00e9 minoritaire et \u00e0 la prise de mesures humiliantes, injurieuses et vexatoires par les trois associ\u00e9s \u00e0 l\u2019encontre de ce dernier, ce qui avait eu pour cons\u00e9quence d\u2019entra\u00eener une d\u00e9gradation progressive de son \u00e9tat de sant\u00e9. Et qu\u2019enfin, la nouvelle r\u00e8gle de r\u00e9partition des b\u00e9n\u00e9fices avait engendr\u00e9 une baisse tr\u00e8s importante de la r\u00e9mun\u00e9ration de l\u2019associ\u00e9 minoritaire, en vue de favoriser l\u2019int\u00e9r\u00eat financier des associ\u00e9s majoritaires \u00e0 son d\u00e9triment, alors qu\u2019il continuait \u00e0 participer aux charges communes de la soci\u00e9t\u00e9, \u00e0 \u00e9galit\u00e9 avec eux, ces derniers \u00e9tant d\u00e9termin\u00e9s \u00e0 l\u2019\u00e9vincer par tout moyen.<\/p>\n
Pour toutes ces raisons, les juges ont estim\u00e9 que les trois associ\u00e9s avaient commis un abus de majorit\u00e9 et ont donc annul\u00e9 la d\u00e9cision modifiant la r\u00e9partition \u00e9galitaire des b\u00e9n\u00e9fices.<\/p>\n