{"id":10975,"date":"2020-07-15T14:00:00","date_gmt":"2020-07-15T12:00:00","guid":{"rendered":"https:\/\/www.bizouard.com\/blog\/2020\/07\/15\/port-de-la-barbe-dans-lentreprise-et-discrimination-religieuse\/"},"modified":"2020-09-14T12:02:10","modified_gmt":"2020-09-14T10:02:10","slug":"port-de-la-barbe-dans-lentreprise-et-discrimination-religieuse","status":"publish","type":"post","link":"https:\/\/www.bizouard.com\/blog\/2020\/07\/15\/port-de-la-barbe-dans-lentreprise-et-discrimination-religieuse\/","title":{"rendered":"Port de la barbe dans l\u2019entreprise et discrimination religieuse"},"content":{"rendered":"
La Cour de cassation confirme sa jurisprudence concernant la d\u00e9licate question de l\u2019interdiction du port de signes religieux dans l\u2019entreprise et notamment de celle du port de la barbe.<\/p>\n
Dans cette affaire, un salari\u00e9 travaillait en tant que consultant s\u00fbret\u00e9, sp\u00e9cialiste du Proche et Moyen-Orient, dans une soci\u00e9t\u00e9 fournissant des prestations de s\u00e9curit\u00e9 \u00e0 diff\u00e9rents organismes (ONG, entreprises\u2026). L\u2019employeur, qui souhaitait envoyer ce salari\u00e9 au Y\u00e9men pour s\u00e9curiser les d\u00e9placements de clients am\u00e9ricains, lui avait demand\u00e9 de donner \u00e0 sa barbe une apparence plus neutre afin qu\u2019elle soit d\u00e9nu\u00e9e de toute connotation religieuse ou politique susceptible de remettre en cause la s\u00e9curit\u00e9 de sa mission.<\/p>\n
Le salari\u00e9 ayant refus\u00e9, son employeur l\u2019avait licenci\u00e9 pour faute grave lui reprochant le port d\u2019une barbe \u00ab\u00a0taill\u00e9e d\u2019une mani\u00e8re volontairement signifiante aux doubles plans religieux et politique\u00a0\u00bb. Le salari\u00e9 avait alors contest\u00e9 son licenciement devant les tribunaux au motif que cette mesure \u00e9tait discriminatoire car fond\u00e9e sur ses convictions religieuses.<\/p>\n
La Cour de cassation a confirm\u00e9 le caract\u00e8re discriminatoire de ce licenciement. Elle a d\u2019abord rappel\u00e9 que l\u2019employeur peut int\u00e9grer dans le r\u00e8glement int\u00e9rieur de l\u2019entreprise une \u00ab\u00a0clause de neutralit\u00e9\u00a0\u00bb pr\u00e9voyant, de mani\u00e8re g\u00e9n\u00e9rale et indiff\u00e9renci\u00e9e, que le port visible de tout signe politique, philosophique ou religieux est prohib\u00e9. Sachant que cette interdiction ne peut s\u2019appliquer qu\u2019aux salari\u00e9s en contact avec des clients.<\/p>\n
En l\u2019absence d\u2019une telle clause dans l\u2019entreprise, les juges ont estim\u00e9 que le fait d\u2019interdire au salari\u00e9 de porter une barbe qui montrerait ses convictions religieuses et politiques et de lui demander de la tailler de mani\u00e8re plus neutre constitue bien une discrimination directement fond\u00e9e sur ses convictions. Or, une telle restriction \u00e0 la libert\u00e9 religieuse impos\u00e9e \u00e0 un salari\u00e9 par un employeur n\u2019est l\u00e9gitime que si elle est justifi\u00e9e par la nature de sa t\u00e2che, qu\u2019elle r\u00e9pond \u00e0 une exigence professionnelle essentielle et d\u00e9terminante et qu\u2019elle est proportionn\u00e9e au but recherch\u00e9 (consid\u00e9rations de s\u00e9curit\u00e9, par exemple).<\/p>\n
Dans cette affaire, la demande de l\u2019employeur faite au salari\u00e9 de tailler sa barbe \u00e9tait essentiellement motiv\u00e9e par un souhait des clients qu\u2019ils devaient accompagner au Y\u00e9men. Or, la Cour de cassation a rappel\u00e9 que la seule volont\u00e9 d\u2019un employeur de tenir compte des souhaits particuliers d\u2019un client ne constitue pas une \u00ab\u00a0exigence professionnelle essentielle et d\u00e9terminante\u00a0\u00bb pouvant justifier une restriction \u00e0 la libert\u00e9 religieuse du salari\u00e9.<\/p>\n
Pour que le licenciement du salari\u00e9 ne soit pas consid\u00e9r\u00e9 comme une discrimination fond\u00e9e sur un motif religieux, l\u2019employeur devait donc \u00e9tablir que sa demande \u00e9tait justifi\u00e9e par des consid\u00e9rations de s\u00e9curit\u00e9, c\u2019est-\u00e0-dire par l\u2019obligation d\u2019assurer au Y\u00e9men la s\u00e9curit\u00e9 de ses salari\u00e9s et de ses clients. Mais les juges ont estim\u00e9 que celui-ci \u00ab\u00a0ne d\u00e9montrait pas les risques de s\u00e9curit\u00e9 sp\u00e9cifiques li\u00e9s au port de la barbe dans le cadre de l\u2019ex\u00e9cution de la mission du salari\u00e9 au Y\u00e9men\u00a0\u00bb. Et que le licenciement du salari\u00e9 \u00e9tait donc nul en raison de son caract\u00e8re discriminatoire.<\/p>\n