Dans le cadre de l’assurance-vie, le souscripteur désigne, au moment de l’ouverture du contrat, une ou plusieurs personnes (les bénéficiaires) qui auront vocation à recevoir les capitaux à son décès. Ces bénéficiaires pouvant être des membres de la famille du souscripteur ou non. À noter que la clause bénéficiaire d’une assurance-vie peut être modifiée à tout moment soit par un avenant au contrat mentionnant l’identité du nouveau bénéficiaire (le plus souvent, une lettre simple envoyée à l’assureur), soit par la rédaction d’un testament olographe ou authentique.

À ce titre, dans une affaire récente, la Cour de cassation a été amenée à se prononcer sur la question de savoir si l’assureur devait être informé du changement de bénéficiaire avant le décès de l’assuré pour la validité de la substitution. En l’espèce, un épargnant avait souscrit, en janvier 1998 et en décembre 2004, deux contrats d’assurance-vie. Par un avenant datant de mai 2014, il avait modifié la clause des deux contrats pour désigner un bénéficiaire unique (Mme U).

En janvier 2015, il avait rempli, une nouvelle fois, des formulaires de demandes d’avenant aux fins de modifier à nouveau les clauses bénéficiaires et désigner à ce titre près d’une dizaine de personnes (dont Mme U).

Mais en avril 2019, au décès du souscripteur, l’assureur avait versé l’intégralité des capitaux figurant sur les contrats à Mme U.

Conscient de son erreur sur l’identité du bénéficiaire des contrats d’assurance-vie lors de la libération des fonds, l’assureur avait assigné Mme U en remboursement des sommes indûment perçues. Un litige était alors né entre elle et l’assureur s’agissant de la validité de la substitution de bénéficiaire dans un contrat d’assurance-vie. Dans un premier temps, les juges de la Cour d’appel avaient fait obstacle à la demande de l’assureur, en soulignant que le souscripteur peut modifier jusqu’à son décès le nom du bénéficiaire du contrat d’assurance-vie, dès lors que sa volonté est exprimée d’une manière certaine et non équivoque et que l’assureur en a eu connaissance. Ce qui n’avait pas été le cas en l’espèce.

L’information préalable de l’assureur ?

Une argumentation qui n’a pas convaincu la Cour de cassation. Celle-ci a rappelé que la substitution du bénéficiaire d’un contrat d’assurance-vie, qui n’est subordonnée à aucune règle de forme, suppose seulement, pour sa validité, que la volonté du contractant soit exprimée d’une manière certaine et non équivoque, condition appréciée souverainement par les juges du fond. En outre, la connaissance par l’assureur de la substitution de bénéficiaire n’est qu’une condition d’opposabilité de cette modification à l’assureur, et ne conditionne pas sa validité, le paiement effectué à celui qui, sans cette modification, y aurait eu droit, étant libératoire pour l’assureur de bonne foi. Dans le cas qui nous intéresse, la dernière modification de la clause bénéficiaire de l’épargnant était bien valable. Et les capitaux devaient donc bien être versés aux derniers bénéficiaires désignés.

Précision : avec cette décision récente, la Cour de cassation opère un revirement de jurisprudence. En effet, dans de précédentes décisions (arrêts des 13 juin 2019 et 10 mars 2022), l’information préalable de l’assureur faisait partie des conditions à remplir pour assurer la validité d’une substitution de bénéficiaires.


Cassation civile 1re, 3 avril 2025, n° 23-13803

Les Echos Publishing 2025