Les enjeux autour du diagnostic de performance énergétique (DPE) sont nombreux. Pour les locataires, il permet d’éviter les passoires thermiques et d’anticiper les coûts énergétiques. Pour les bailleurs, il permet, outre de se conformer aux réglementations, de valoriser leurs biens et de réduire la vacance locative. Et pour les acquéreurs, le DPE aide à estimer les coûts futurs, à choisir un logement performant et à accéder à des aides financières pour la rénovation. Mais encore faut-il que ce diagnostic de performance énergétique soit établi de façon fidèle. Un DPE erroné ou mal réalisé peut notamment conduire à faire chuter le prix d’un bien.
D’ailleurs, selon une étude publiée récemment par KRNO, de nombreux DPE peuvent être qualifiés de « complaisance ». En effet, ces diagnostics, légèrement surévalués pour améliorer la classification énergétique d’un bien, concernent une part significative des logements en France, notamment 18,81 % des biens classés F, artificiellement promus en E. Cette pratique soulève des enjeux majeurs pour le marché immobilier et la transition énergétique. Globalement, le préjudice économique est significatif : la surévaluation des biens due à ces pratiques est estimée à environ 21 milliards d’euros, impactant directement les acheteurs et les investisseurs. Cette fraude déguisée, bien que subtile, compromet la crédibilité d’un outil pourtant essentiel pour guider les décisions économiques et environnementales.
Plusieurs types de fraude
Trois principaux types de fraudes liés au DPE ont été recensés par les auteurs de l’étude :
1- le faux DPE : réalisé par des faussaires, similaire à la production de faux billets ou de faux documents d’identité, pour quelques dizaines d’euros ;
2- le DPE mensonger : effectué par un diagnostiqueur certifié qui attribue délibérément une note énergétique (souvent D ou E) ne reflétant pas la réalité du bien (plus d’une demi-lettre). Des professionnels détectent ces incohérences flagrantes en analysant le DPE. Le diagnostiqueur ne pouvant pas décemment justifier les incohérences trouvées ;
3- le DPE de complaisance (l’objet de l’étude présentée) : réalisé par un diagnostiqueur certifié qui améliore légèrement la note pour atteindre une lettre supérieure. Ce phénomène est plus subtil et difficile à détecter, car les ajustements se situent souvent dans les marges d’erreur relativement faibles (moins d’une demi-lettre).
Selon l’étude, ces fraudes s’expliquent par le flou méthodologique qui entoure le DPE. Combiné à des motivations commerciales, il favorise les dérives qui bénéficient quasi exclusivement au vendeur. Ce dernier étant le client direct du diagnostiqueur. Ces dérives s’expliquent également par un changement d’usage du DPE au fil du temps. À l’origine, le DPE avait pour ambition de sensibiliser les Français aux enjeux énergétiques, tout en restant accessible financièrement, et donc forcément peu précis. Puis, les pouvoirs publics ont voulu s’appuyer sur le DPE pour inciter fortement les propriétaires et les bailleurs à réaliser des travaux de rénovation énergétique. En conséquence, le DPE a dû s’adapter et devenir plus exigeant.
Comment diminuer les fraudes ?
Pour l’auteur de l’étude, plusieurs solutions pourraient permettre de réduire la fraude. Tout d’abord, exiger que les logiciels de diagnostic masquent les notes énergétiques jusqu’à leur soumission officielle à l’ADEME, réduisant les tentations de complaisance en optimisant les paramètres. Ensuite, introduire des marges d’erreur clairement définies à ne pas dépasser, à l’image de la « Loi Carrez » pour les surfaces. Autre action possible, renforcer les approches « contradictoires » en déployant le CIL (Carnet Information Logement) et en créant des cycles périodiques de diagnostics (à l’instar des contrôles techniques autos). Enfin, responsabiliser les propriétaires en leur faisant signer sur l’honneur le DPE, signifiant ainsi qu’ils ont transmis au diagnostiqueur des informations fiables et complètes.
Les Echos Publishing 2024