Le fils ou la fille d’un agriculteur qui a travaillé, après l’âge de 18 ans, sur l’exploitation familiale sans avoir perçu de salaire et sans avoir été associé aux bénéfices a droit, lors du décès de l’exploitant, à une créance dite de salaire différé. En pratique, cette somme d’argent a vocation à lui être versée par la succession au moment du décès de l’exploitant.
Mais attention, lorsque l’intéressé a travaillé sur le domaine familial au moment où son père en était exploitant et non plus après le décès de ce dernier, époque où sa mère avait repris le flambeau, il doit demander sa créance de salaire différé au plus tard dans les 30 années qui suivent le décès de son père. Au-delà, il est trop tard. Et dans cette hypothèse, pour échapper à la prescription, il ne saurait invoquer l’argument selon lequel il peut revendiquer sa créance au moment du décès de sa mère.
C’est ce que les juges ont décidé dans une affaire où le fils d’un agriculteur avait travaillé avec son père jusqu’au décès de ce dernier survenu en 1976. Sa mère avait ensuite poursuivi l’exploitation jusqu’en 2012. En 2014, il avait revendiqué la créance de salaire différé à laquelle il avait droit. Or, pour les juges saisis du litige, sa demande était prescrite car elle avait été présentée plus de 30 ans après le décès du père. Le fils avait contesté car pour lui, lorsque deux époux ont successivement exploité la même exploitation agricole, leur descendant qui a participé gracieusement à sa mise en valeur est titulaire d’un seul contrat de salaire différé si bien qu’il est droit de réclamer sa créance de salaire différé sur l’une ou l’autre des successions (celle du père ou celle de la mère). En vain donc.
À noter : ce n’est que lorsqu’il a travaillé sur l’exploitation familiale pendant les deux périodes où elle a été successivement mise en valeur par ses parents, c’est-à-dire d’abord par l’un d’eux, puis ensuite par l’autre, que le fils ou la fille peut revendiquer sa créance de salaire différé sur l’une ou l’autre des successions. Car dans ce cas, on considère qu’il y a un unique contrat de travail à salaire différé. Ce qui n’était pas le cas dans cette affaire.
Cassation civile 1re, 17 octobre 2018, n° 17-26725
Les Echos Publishing 2018