Pour protéger ses biens personnels des risques liés à son activité professionnelle, un entrepreneur individuel a la possibilité de choisir le statut d’entrepreneur individuel à responsabilité limitée (EIRL). Cette forme d’entreprise lui permet d’affecter à son activité professionnelle un certain nombre de biens qu’il sépare ainsi de son patrimoine privé. Ce patrimoine, dit « d’affectation », devant être composé au minimum des biens « nécessaires » à l’exercice de l’activité (local, machines, outillage, véhicule…).
Pour adopter le statut d’EIRL, l’entrepreneur doit simplement déposer au registre de publicité légale dont il relève (RCS, répertoire des métiers…) une déclaration comportant un état descriptif des biens qu’il intègre dans le patrimoine d’affectation et la valeur de ces biens. Une fois la déclaration enregistrée, le gage de ses créanciers professionnels se limite alors à ce patrimoine affecté. Son patrimoine personnel étant, quant à lui, à l’abri.
Précision : les créanciers concernés par cette séparation des patrimoines sont uniquement ceux dont la créance est née après le dépôt de la déclaration d’affectation.
Une déclaration d’affectation sans mention des biens affectés
Mais attention, la déclaration d’affectation doit obligatoirement mentionner les biens qui sont affectés à l’activité professionnelle, tant en nature qu’en qualité, quantité et valeur. Une déclaration d’affectation qui ne comporterait aucune précision concernant les biens affectés ne serait pas valable. Et en agissant ainsi, l’entrepreneur commettrait un manquement grave qui justifierait la réunion de ses patrimoines privé et professionnel. Il redeviendrait donc, comme tout entrepreneur individuel classique, responsable sur la totalité de ses biens.
C’est ce que la Cour de cassation a décidé dans une affaire où un entrepreneur souhaitant exercer une activité de vente ambulante de boissons avait déposé une déclaration d’affectation. Cette déclaration ne mentionnait aucun bien car l’intéressé n’avait pas encore acheté sa camionnette. Le greffier l’avait néanmoins enregistrée. L’entrepreneur avait ensuite acheté une camionnette, mais n’avait pas pour autant complété la déclaration d’affectation. Quelques années plus tard, lorsque l’entrepreneur avait été placé en liquidation judiciaire, le liquidateur avait demandé que les deux patrimoines de celui-ci soient réunis, invoquant l’absence, dans cette déclaration, de toute mention des éléments affectés par l’entrepreneur à cette activité. Il espérait ainsi pouvoir vendre les biens personnels de l’entrepreneur pour régler les créanciers professionnels. Les juges lui ont donc donné gain de cause.
Cassation commerciale, 7 février 2018, n° 16-24481
Les Echos Publishing 2017